Lettre ouverte de l’UNSFA au Premier Ministre

Paris, le 11 juin.
Monsieur le Premier ministre,

Très enthousiaste lors du lancement de la stratégie logement en août 2017, notre syndicat professionnel, l’Unsfa[1] – Union des architectes – a fait de nombreuses contributions[2] pour celle-ci ainsi que lors de la conférence de consensus qui s’est tenue en janvier 2018 au Sénat.

L’un des principaux objectifs de cette loi était de permettre de « construire plus, mieux et moins cher« . Malheureusement certains articles vont totalement à l’encontre de cet objectif, et les dispositions annoncées vont, selon nous, entrainer une dégradation de la qualité des constructions et du cadre de vie sans pour autant déboucher sur une réduction des coûts.

Nous avons analysé le projet de loi et essayé de rencontrer M. Mezard et M. Denormandie pour leur exposer nos griefs. Mais, alors que jusqu’à présent, les ministres du logement de tous les gouvernements qui vous ont précédé étaient les interlocuteurs privilégiés des architectes, ceux-ci n’ont jamais accepté de nous recevoir.

Nous avons écouté attentivement les débats qui se sont tenus dans l’hémicycle ainsi que dans les médias, et nous sommes extrêmement étonnés du manque de connaissance de vos ministres sur le rôle des architectes et des lois qui les régissent.

Imaginer que le rôle des architectes se limite à « faire des dessins », déposer des permis de construire et « donner des conseils » est affligeant.

Entendre que nous allons « conserver notre travail » puisqu’il est régi par le code de l’urbanisme (référence à la loi de 77) démontre une méconnaissance totale de notre métier. Profession que nous ne pouvons pourtant exercer qu’après avoir obtenu un diplôme à l’issue de 6 ans de formation dispensée par l’Etat …

C’est nier également le rôle des architectes dans la société et l’intérêt public de la création architecturale.

Entendre dire que la loi MOP[3] serait la cause d’un surcoût pour le logement social et que c’est elle qui impose le concours relève cette fois d’une méprise juridique.

Ignorer les mécanismes qui ont conduit à élaborer la loi MOP (corruption, politique désastreuse des modèles, …)[4] et le bénéfice de cette loi pour le maître d’ouvrage public (projet suivi par une équipe de maitrise d’œuvre du premier coup de crayon à la livraison des ouvrages, évolution du projet possible à chaque phase prenant en compte les demandes du maître d’ouvrage et des utilisateurs, indépendance de l’architecte vis-à-vis de l’entreprise) est faire preuve d’une grande inexpérience.

Dans une conversation de salon, cela pourrait être inoffensif et se limiter à une joute oratoire, malheureusement ces impérities vont conduire à détruire le cadre de vie de tous les citoyens et entrainer la disparition de milliers d’emplois dans nos agences d’architecture et de nombreuses entreprises de maîtrise d’œuvre.

Car limiter le rôle des architectes aux dossiers de permis de construire va réduire notre activité de moitié.

La loi MOP permettant également l’allotissement des travaux, la supprimer aura pour conséquence de priver l’accès à la commande des PME et artisans du bâtiment au profit des entreprises générales, ce qui entrainera également la disparition de milliers d’emplois dans les TPE et PME.

On parle de crise grave quand 1.000 salariés sont licenciés chez Renault ou Peugeot mais la disparition programmée de 10.000 emplois dans notre secteur semble négligeable ou peut-être négligée

Emmanuel Macron déclarait pourtant en mars 2017 : ‘« On ne peut accepter que 70% des surfaces produites en France le soient sans architecte, c’est une réalité à combattre. De même, il est important que les élus et les aménageurs soient plus attentifs à la place des architectes au cours des missions d’études, de suivi et d’exécution des chantiers. Le rôle de l’architecte, quand il y en a un, se limite désormais trop souvent à l’obtention d’un permis de construire. Sur ces questions, les lignes doivent bouger ».

Or ce projet de loi fait exactement l’inverse puisqu’il réduit notre rôle à la portion congrue.

Nous ne rappellerons pas ici les griefs que nous reprochons à ce projet de loi dont la presse s’est largement faite l’écho : retour aux grands ensembles des années 60, mise à mal du logement social où la quantité primera sur la qualité sans pour autant coûter moins cher, relance de la politique des modèles où prime avant tout la logique du profit, transfert du secteur HLM au secteur marchand, exclusion des plus démunis et des personnes handicapés, destruction des paysages et du littoral, …, etc.

Monsieur le Premier ministre, vous avez démontré lorsque vous étiez maire du Havre votre attachement à l’architecture en lançant de grands projets de rénovation des quartiers et des bâtiments d’Auguste Perret.

Pourquoi voulez-vous maintenant abîmer la France et évincer les acteurs qui concourent à bâtir le cadre de vie ?

C’est pourquoi, nous sollicitons d’urgence un rendez-vous pour détailler le bien-fondé de notre opposition à certains articles du projet de loi et vous exposer les risques qu’ils induisent.

En espérant que vous nous accorderez au plus vite cet entretien, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Premier ministre, l’expression de notre très haute considération.

Pour les membres du Bureau National de l’Union Nationale des Syndicats Français d’Architectes.

Régis Chaumont

[1] L’Unsfa est le premier syndicat représentatif des architectes, fort de la diversité de ses entreprises adhérentes déployées sur tout le territoire

[2] Contributions de l’Unsfa disponibles sur https://syndicat-architectes.fr/actions/6830/

[3] Loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre

[4] Voir l’article « la MOP au service du cadre de vie » de Gilbert Ramus,  joint à de document

 

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